vendredi 6 mai 2011

Le mystère Mediaco demeure entier

Le tribunal de Commerce a jugé que l'entreprise n'est pas en situation de cessation de paiement


Que se passe-t-il chez Mediaco ? Le sort de ce spécialiste du levage, coté à la Bourse de Casablanca depuis 2006, devient de plus en plus difficile. Après des années d'euphorie, Mediaco s'essouffle. Ses pertes en 2010 se chiffrent à environ 40 millions de dirham


Elle se trouve dans l'incapacité d'honorer ses engagements financiers. Ses dettes s'élèvent à 255 millions de DH dont 50 millions de dirhams au titre d'un emprunt obligataire lancé en 2007 pour lever 70 millions de DH. En concertation avec ses commissaires aux comptes, les dirigeants de l'entreprise ont voulu déclencher une procédure de redressement judiciaire pour se protéger contre les créanciers.

Le verdict est tombé en milieu de semaine dernière : le tribunal de Commerce de Casablanca a jugé que Mediaco n'est pas en situation de cessation de paiement. Par conséquent, elle ne peut pas recourir au dispositif de traitement des difficultés des entreprises conformément aux articles 560 et suivants du Code de commerce. Mis à part le « courrier » transmis vendredi dernier au CDVM, annonçant le recours en appel, aucune autre information ne filtre pour le moment quant à l'avenir de la société. Contacté par le Matin depuis plusieurs semaines, son directeur général, Nicolas Mayet, reste injoignable (les autres membres du directoire disent qu'il est le seul habilité à communiquer à ce sujet). Même de hauts responsables au sein du marché boursier, apprend-on d'une source digne de foi, ont tenté d'initier une démarche officielle pour s'assurer de la continuité de l'activité et surtout de la cotation de l'entreprise, notamment auprès des dirigeants de la société mère (Mediaco France), mais en vain. Le mystère demeure entier.

Les origines des déboires de Mediaco Maroc sont plus au moins connues. Car suite à la pression du gendarme CDVM, elle a dû publier, fin mars dernier, un profit warning dans lequel elle accuse l'attitude du banquier centralisateur de l'emprunt obligataire lequel, suite à la cession d'un actif, a préféré apurer ses encours au lieu de payer la troisième tranche de l'emprunt obligataire «comme cela a été convenu». On apprend aussi que la branche «Transport Matériaux» aurait généré de lourds déficits avant de la céder courant le premier trimestre 2011. Des négociations, remontant au deuxième semestre 2010, ont été également initiées avec des repreneurs potentiels et qui devaient se traduire par une injection importante de fonds à même de combler le déficit de trésorerie. Or jusqu'à ce jour, aucun repreneur ne s'est manifesté. Mediaco avance aussi l'argument de la concurrence suite à l'arrivée d'un certain nombre d'opérateurs européens sur le marché. Mais là encore, mis à part l'effet que cela puisse avoir sur les prix, il faut noter que les parcs des camions et grues de Mediaco est dans une situation de plein emploi. «Parfois, faute de disponibilité de matériel, nous ne pouvons pas satisfaire certaines commandes», nous révèle un cadre d'exploitation au sein de la succursale de Tanger. C'est dire que l'activité de l'entreprise, en dépit du recours à la procédure de redressement judiciaire, continue à fonctionner de manière normale. L'une des interrogations soulevées par les analystes du marché porte sur le niveau de corrélation qui pourrait justifier la proportion des dettes compromises chez une PME de la taille de Mediaco.

Comment se fait-il qu'elle puisse lever dans le cadre d'un emprunt obligataire un montant quatre fois plus important que celui drainé par l'introduction en Bourse, pour afficher quatre ans plus tard, un contentieux de l'ordre de 255 millions de DH ?
S'agissant de la vie boursière de Mediaco, à l'instar d'autres sociétés cotées, elle s'est contentée de publier le minimum légal de ses résultats 2010, sans pour autant organiser la rencontre rituelle avec les analystes et les médias. Contrairement à ce qu'on pourrait l'imaginer, son titre affiche l'une des meilleures performances de la place depuis la 15 avril dernier, le jour où il a atteint son plus bas historique à 41 DH contre 495 DH lors de son introduction en juin 2006. Le marché de la valeur est fortement demandeur ces dernières séances. Du Coup, Mediaco est souvent réservée à l'achat. Cela n'a qu'une explication : les investisseurs parient sur le redressement de l'entreprise. Même dans le pire des scénarios, celui de la liquidation et donc la radiation du titre, il faut dire qu'au regard du niveau actuel de son cours, le risque boursier est faible et sans aucune commune mesure avec celui qu'encourt les banques créancières.

Qui défend les intérêts des minoritaires ?

La crise d'endettement et le manque de visibilité dont souffre le spécialiste du levage fait renaître le débat sur les droits des actionnaires minoritaires des sociétés cotées à la Bourse de Casablanca. En l'absence d'un cadre associatif sérieux, organisé et surtout durable (loin des mobilisations ponctuelles comme cela a été le cas dans l'affaire BNDE), il y a lieu de se demander si les intérêts des petits porteurs de l'action Mediaco sont ou seront préservées. Certes l'enjeu financier n'est pas énorme dans ce cas précis, mais au fond, le sujet mérite qu'on s'y intéresse, ne serait-que pour renforcer l'image du marché auprès des investisseurs nationaux et internationaux.
Des modèles de bonnes pratiques dans ce domaine existent partout dans le monde.
Il suffit d'y penser.





source http://www.lematin.ma/Actualite/Journal/Article.asp?idr=113&id=150450

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